Atteintes à l'action syndicale et au mouvement social

Le Syndicat de la magistrature a été auditionné le 13 juin 2023 par la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur l’activisme violent.

Si le champ d’intervention initialement proposé était celui d’« éclairer sur le phénomène d’activisme violent dans une perspective globale, notamment s’agissant de ses fondements historiques et sociologiques et de ses ressorts, pour appréhender au mieux ce phénomène à travers une vision d’ensemble », nous avons restreint nos observations à la place de l’autorité judiciaire.

En effet, l’autorité judiciaire doit répondre à un double défi qu’est d’une part, la conduite et le contrôle des enquêtes afin d’identifier, interpeller et juger le cas échéant les personnes auteurs de violences, d’autre part, la protection des libertés individuelles, notamment des activistes non-violents, très nombreux et ayant pleinement le droit d’agir dans une société démocratique.

L’appréhension de ce sujet nécessite donc de le circonscrire. La définition de l’activisme violent n’est pas seulement une question sémantique. Cette définition stricte évite nombre d’écueils et glissements voire d’affaissement de l’État de droit. De Tarnac à Sainte-Soline en passant par Bure, la qualification de militant·es et/ou délinquant·es est un enjeu majeur  : dans certaines de ces affaires, le déploiement des outils juridiques du droit spécial de l’anti-terrorisme a entrainé l’emballement, la confusion et in fine le fiasco policier et judiciaire (avec des classements sans suite, des relaxes voire le prononcé de peines dérisoires).

Nos observations porteront en premier lieu sur la définition juridique des notions interrogées. En second lieu, nous nous attarderons sur les outils dont dispose l’autorité judiciaire pour répondre à l’activisme violent, pour faire le constat d’un important arsenal judiciaire et législatif et questionner une tendance au dévoiement des outils judiciaires aux fins de surveillance voire de répression des activistes non-violents.

 

observation du SM devant la MI AN sur l'activisme violent (262.16 KB) Voir la fiche du document

En cette nouvelle journée de mobilisation, nous publions ci-joint notre contre-circulaire relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’occasion des manifestations ou des regroupements.

En effet, la dépêche du garde des Sceaux du 18 mars 2023 n’appelait pas à un traitement complet et juste de l’ensemble des crimes et délits potentiellement commis dans le contexte des manifestations. Il se limitait aux cas des manifestants délinquants, à l’encontre desquels il était sollicité une « réponse pénale systématique et rapide », tandis que le silence était gardé tant sur les violences policières illégitimes qui pourraient être commises par les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions que sur le rôle de l’autorité judiciaire dans la protection de la liberté de manifestation.

Ainsi, nous nous sommes prêtés à l’exercice de la contre-circulaire, avec pour double objectif de décrypter et d’analyser la dépêche du garde des Sceaux et les pratiques attentatoires aux libertés d’une part ; de créer une boîte à outils utilisable par les magistrats pour contrôler de manière pleine et entière les procédures pénales diligentées à l’encontre des manifestants et traiter de manière adaptée les violences illégitimes commises par les forces de l’ordre d’autre part.

 

Contre-circulaire - mouvements sociaux (144.32 KB) Voir la fiche du document

Depuis quelques jours, tous les déplacements du président de la République s’accompagnent d’arrêtés préfectoraux, instaurant un périmètre de protection, fondé sur la législation antiterroriste, à l’intérieur duquel sont interdits les cortèges, défilés, rassemblements revendicatifs ou encore les dispositifs sonores. C’est sur ce fondement que lors du déplacement d’Emmanuel Macron dans l’Hérault la semaine dernière, les manifestantes et manifestants se sont vus confisquer des casseroles qui représentent un des modes d’expression d’une partie de la population contre la réforme des retraites.

Face à ce détournement évident des dispositifs antiterroristes, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) le Syndicat des Avocats de France (Saf), soutenus par le Syndicat de la Magistrature (SM) et l’Union syndicale Solidaires, ont déposé, le 24 avril 2023, parallèlement à l’Adelico, un référé-liberté devant le tribunal administratif d’Orléans contre un tel arrêté pris cette fois par le préfet du Loir-et-Cher en prévision de la visite du président de la République à Vendôme. Le tribunal administratif, par une ordonnance rendue le 24 avril 2023, a suspendu l’arrêté contesté en retenant un détournement des mesures antiterroristes par la préfecture qui porte gravement atteinte à la liberté d’aller et venir.

Malgré cette ordonnance et en prévision de la visite du président de la République à Fort de Joux, le préfet du Doubs a pris un arrêté similaire contre lequel nos mêmes associations ont déposé un référé-liberté. Par une décision prise ce 27 avril 2023, le préfet du Doubs a procédé au retrait de l’arrêté contesté. En le retirant avant même l’audience, il reconnait, au moins implicitement, sa non-conformité au droit.

Nos associations se félicitent de ces décisions faisant obstacle à une atteinte manifeste à la liberté d’expression au travers du droit de manifester, lequel se trouve mis à mal depuis plusieurs années de la part des autorités gouvernementales.

Tout en espérant l’absence de renouvellement de ce type de mesures liberticides, elles poursuivront inlassablement leur combat, si nécessaire, contre de tels arrêtés afin de les faire annuler devant la justice ou d’obtenir leur retrait avant même une décision judicaire.

Paris, le 27 avril 2023

Signataires : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Syndicat des Avocats de France (Saf), Syndicat de la Magistrature (SM), Union syndicale Solidaires

CP - Les déplacements du président de la République ne justifient pas de porter atteinte à la liberté de manifester (198.79 KB) Voir la fiche du document